Traduit de l’espagnol par Elisabeth Desgranges
Luz Mendez Gutierrez, feministe guatemaltèque. Texte publié dans La Cuerda, octobre 2010. Numéro 138. P. 10. Campañas de difamación utilizando la sexualidad de las mujeres.
Lors de la mort de l’anthropologue Myrna Mack, fondatrice de l’Association pour l’Avancement des Sciences Sociales au Guatemala (AVANCSO), brutalement assassinée par des membres de l’État Major Présidentiel Guatémaltèque en septembre 1990, une solide campagne de diffamation fut organisée. Rapidement, de grossières histoires de crime passionnel furent propagées pour discréditer la victime.
Au moment de son assassinat, en août 2005, Claudine Isabel Velásquez, alors étudiante en Droit à l’Université San Carlos de Guatemala (USAC), portait, comme beaucoup de jeunes femmes, des sandales et une boucle au nombril. Cela fut utilisé par les enquêteurs de la police pour conclure et pour diffuser l’idée qu’elle était une prostituée. Dès le début, cette idée influença négativement le processus légal.
Lorsque Diana Ortiz, religieuse étatsunienne, dénonça en 1989 qu’elle avait été détenue illégalement dans une prison militaire du Guatemala où elle fut violée et soumise à d’autres formes de torture, des campagnes de dénigrement commencèrent à déferler à son encontre. Ces campagnes allèrent jusqu’à propager l’idée absurde que les marques de brûlures de cigarettes présentes sur son corps avaient été produites par une maîtresse lesbienne jalouse.
Quand, en 1992, Jennifer Harbury, avocate étatsunienne, entama des poursuites pour l’enlèvement de son conjoint, un paysan autochtone maya, Efrain Bamaca, de nouvelles campagnes de diffamation s’activèrent soulignant, cette fois, qu’ils n’étaient pas mariés. Ceci est le parfait reflet d’une société patriarcale où l’unique lien social accepté entre un homme et une femme est le mariage institutionnalisé. De plus, dans ce cas précis, s’ajoutèrent l’exploitation de d’autres systèmes d’oppression tels que les logiques raciste et élitiste selon lesquelles il est invraisemblable, voir inadmissible, qu’une avocate blanche ait pu poser les yeux sur un indien .
Les campagnes de diffamation basées sur la conduite sexuelle des femmes sont amplement utilisées au Guatemala, et partout dans le monde, comme stratégie pour perpétuer l’impunité des crimes commis contre les femmes. D’autres mécanismes de guerre psychologique viennent appuyer cette stratégie. Dans tous les cas mentionnés ci-dessus, une utilisation calculée de la rumeur a été mise en œuvre pour pointer du doigt les femmes victimes d’injustice comme si elles étaient en faute, contrevenant aux normes sexuelles socialement acceptées et ainsi discréditer leur droit à la justice.
Cette stratégie d’impunité s’appuie sur l’imaginaire social et s’alimente du système patriarcal dans lequel la réputation des femmes repose fondamentalement sur leur sexualité. À ce sujet, la sociologue basilienne, Jacqueline Pitonguy, affirme que la sexualité est un champ culturellement imprégné qui reflète les relations sociales de genre, de classe et d’ethnie. Et, dans la mesure où celles-ci sont inégales, ces relations sociales expriment aussi des relations de pouvoir qui se reflète dans la norme sexuelle.
Le politicien socialiste marxiste allemand, Augusto Bebel (1849-1913), condamne le fait que les femmes soient valorisées socialement pour leur chasteté. Pour sa part, la philosophe féministe espagnole, Amelia Valcarcel, signale que l’on attend des femmes qui intègrent la sphère publique, qu’elles respectent les trois vœux classiques de chasteté, d’obédience et de pauvreté.
Heureusement, dans les cas ici exposés, aucune campagne de diffamation contre les femmes n’a freiné l’inébranlable et exemplaire lutte des victimes ou de leur famille pour mettre fin à l’impunité commise.
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